Suite de l'article d'André Larger paru dans l'Est Républicain il y a quelques années.
Effectivement. Vous avez dit que cela vous avait donné à réfléchir. En quel sens? Pourriez-vous préciser?
Dans le sens d'une plus grande sécurité des pilotes. Nous connaissions encore mal nos appareils. Nous ne savions pas tout ce qu'il était possible de faire avec eux, jusqu'où nous pouvions les mener. Y avait-il des limites à ne pas franchir? Était-il possible de se rétablir en l'air lorsque, par suite d'un coup de vent malencontreux ou d'une fausse manœuvre, nous nous retrouvions dans des positions inhabituelles? Il y avait là tout un domaine à explorer.
C'est ce que vous avez entrepris ensuite, si je vous ai bien suivi?
J'en avais grande envie mais c'est Blériot qui, le premier, a abordé le problème.
"Ecoute petit, m'a-t-il dit en substance, j'aimerais qu'un jour un pilote tente une montée en chandelle, une boucle et, pourquoi pas, vole la tête en bas. ce doit être possible. L'avion fou, l'autre jour, a fait des choses qu'un bon pilote doit pouvoir reproduire. Qu'en penses-tu?
- Je suis tout à fait d'accord avec vous Monsieur Blériot, c'est dans un domaine du faisable, ça me tente assez.
- Réfléchis bien avant. Le risque est énorme. personne ne l'a encore tenté.
- Ecoutez, Monsieur Blériot, je suis fauché, je n'ai pas de femme et je pensais à me suicider, alors j'accepte, je suis votre homme."
Je m'étais jeté à 'eau, je ne pouvais plus reculer, non pas tant vis à vis de Blériot, il aurais compris, mais surtout vis à vis de moi-même.
Vous avez attendu longtemps avant de vous lancer dans cette tentative risquée?
Il faut toujours battre le fer quand il est chaud. La tentative a eu lieu début septembre à Buc. J'étais très calme lorsque je suis monté dans mon appareil. Je me suis soigneusement attaché. Je savais ce que je voulais faire et, au fond de moi-même, j'étais sûr de la réussite. C'était le matin, l'air était vif. J'ai tenté de mettre mon appareil en déséquilibre, impossible, il s'avérait trop stable. Quatre tentatives, quatre échecs. Je suis redescendu, histoire de souffler un peu et de discuter avec les copains et le patron, et j'ai très vite repris l'air. Cette fois, succès total. J'ai volé près de quatre cent mètres sur le dos. Pari gagné. Ensuite dans l'euphorie du moment, j'ai tenté la boucle verticale, le looping, et ça a marché. Vous auriez dû voir l'enthousiasme à mon retour au sol. J'ai été porté en triomphe.
A suivre
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